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2 mars 2008

Buvard bavard...

defiguration_librePour mon centième post, j'ai choisi un texte que j'ai décidé d'illustrer avec un travail photographique en cours placé sous le thème de la "Dé-figuration Libre". Il repose sur une technique mixte qui se fonde sur l'usage exclusif du buvard, des empreintes inversées d'écritures avec des encres fort sympathiques, avec l'ombre et la lumière...et quelques secrets d'alchimie...

"Aujourd’hui, les encres ne vont pas bien. L’ordinateur et la postmodernité les ont frappées. Les écrivains ne feront plus, dans l’avenir, ces manuscrits mille fois raturés qui nous permettaient de voir le tremblement de la main de Proust, les dédales de sa cervelle, ses redites, ses bêtises, ses appoggiatures et ses repentirs.

Dans leur déroute, les encres ont entraîné avec elles un autre partenaire, le buvard. La mort de celui-ci n’a pas été saluée. C’est sans bruit que les belles feuilles poreuses, roses ou bleues, sur lesquelles furent calligraphiées toutes les minutes et tous les verbatims de nos civilisations modernes, ont rejoint leurs limbes. J’ai toujours été étonné que l’on ne trouve pas, dans nos villes, des boutiques spécialisées dans le buvard usagé comme il existe des librairies d’incunables, d’in-folio et d’éditions originales.
Je songe au buvard de Balzac ou de Rimbaud, à celui avec lequel Stendhal a séché ses phrases quand il écrivait Le Rouge et le Noir. On en pourrait exhumer les pensées inaccomplies de Julien Sorel, les pâmoisons de Madame de Rénal ou les jouissances de Mathilde de la  Mole , avec deux avantages appréciables : d’une part, le texte recueilli par le buvard n’est qu’un lambeau, une ombre et une ruine. Il est beau comme une absence. Pas une phrase n’est achevée et les mots sont des loques. Au surplus, les différentes pages d’un même chapitre, peut-être même d’un même livre, ont mélangé toutes leurs empreintes. Le buvard nous offre les vestiges inextricables d’un livre qui n’exista jamais, d’un roman fantôme que Balzac ou Hugo ont à peine rêvé. Et pour porter au comble leur beauté, les lettres y sont écrites à l’envers. Nous ne pouvons les déchiffrer que dans les miroirs de la mort."

 

Gilles Lapouge, L’encre du voyageur, Albin Michel, 2007, pages 11-13.

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Commentaires
C
Superbement artistique, j'adore la calligraphie arabe (que je rêve d'apprendre) pour sa beauté, sa force et douceur à la fois, son mystère, sa chaleur ! Merci pour le partage.
S
J'ai honte, ça fait longtemps que je ne passe pas chez toi mais quel plaisir chaque fois que je reviens. Promis, juré (oh le vilain mot) je vais m'appliquer à me promener par ici plus souvent. Et merci pour le lien vers ce magnifique extrait.
J
les buvards d'un coup reviennent en rose<br /> en rose-buvard..<br /> je ne collectionne pas mais j'aimais en avoir de différents<br /> tes photos noires<br /> en écriture noires<br /> sont belles,<br /> me plaisent<br /> écritures venues d'ailleurs<br /> en mots inconnus<br /> en dessins-plaisirs
J
… ce merveilleux texte sur les buvards. Pour ma part, je collecte toutes sortes d'instruments d'écriture, plumes et crayons surtout, et même plumes d'oiseaux (oies, goéland, corneille) dont j'aime me sevir pour écrire.<br /> Les photos qui accompagnent le texte sont superbes.
B
J'aime beaucoup ces mots , merci de m'avoir permis de le lire de le découvrir ...<br /> <br /> Bonne soirée
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