S h a r m A n n a
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cet extrait de "Soie" d'Alessandro Barrico
Elle le regarda bien dans les yeux. Puis elle baissa le regard sur la première page de la lettre, papier de riz, encre noire.
- Mon seigneur bien-aimé,
Dit-elle
n'aie pas peur, ne bouge pas, garde le silence, personne ne nous verra.
Reste
ainsi, je veux te regarder, je t'ai tellement regardé, mais tu n'étais
pas pour moi, et à présent tu es pour moi, ne t'approche pas, je t'en
prie, reste comme tu es, nous avons une nuit pour nous seuls, et je
veux te regarder, jamais je ne t'ai vu ainsi, ton corps pour moi, ta
peau, ferme les yeux, et caresse-toi, je t'en prie,
dit Madame Blanche, Hervé Joncour écoutait
n'ouvre
pas les yeux, si tu le peux, et caresse-toi, tes mains sont si belles,
j'ai rêvé d'elles tant de fois que je veux les voir maintenant, j'aime
les voir ainsi, sur ta peau, continue je t'en prie, n'ouvre pas les
yeux, je suis là, personne ne peut nous voir et je suis près de toi,
caresse-toi mon bien-aimé seigneur, caresse ton sexe, je t'en prie,
tout doucement,
elle s'arrêta, Continuez, je vous en prie, dit-il,
elle
est belle, ta main sur ton sexe, ne t'arrête pas, j'aime la regarder et
te regarder, mon bien-aimé seigneur, n'ouvre pas les yeux, pas encore,
tu ne dois pas avoir peur, je suis près de toi, m'entends-tu ?je suis
là, à te frôler, c'est de la soie, la sens-tu ? c'est la soie de ma
robe, n'ouvre pas les yeux et tu auras ma peau,
dit-elle, lisant doucement, avec la voix d'une femme-enfant,
tu
auras mes lèvres, quand je te toucherai pour la première fois ce sera
avec mes lèvres, tu ne sauras pas où, à un certain moment tu sentiras
la chaleur de mes lèvres, sur toi, tu ne sauras pas où si tu n'ouvres
pas les yeux, ne les ouvre pas, tu sentiras ma bouche, tu ne sauras pas
où, tout à coup,
il écoutait, immobile, de la pochette de son complet gris dépassait un mouchoir blanc, immaculé,
ce
sera peut-être dans tes yeux, j'appuierai ma bouche sur tes paupières
et sur tes cils, tu sentiras la chaleur pénétrer à l'intérieur de ta
tête, et mes lèvres dans tes yeux, dedans, ou bien ce sera sur ton
sexe, j'appuierai mes lèvres, là, et je les entrouvrirai en descendant
peu à peu,
dit-elle, et sa tête était penchée sur les feuilles, et elle effleurait son cou du bout des doigts, lentement,
je
laisserai ton sexe ouvrir ma bouche, pénétrer entre mes lèvres, presser
contre ma langue, ma salive descendra le long de ta peau jusque dans ta
main, mon baiser et ta main, l'un et l'autre mêlés, sur ton sexe,
il écoutait, il tenait son regard fixé sur un cadre d'argent, vide, accroché au mur,
et
puis à la fin je baiserai ton coeur parce que je te veux, je mordrai la
peau qui bat sur ton cœur parce que je te veux, et quand j'aurai ton
coeur sous mes lèvres tu seras à moi, vraiment, avec ma bouche dans ton
coeur tu seras à moi, pour toujours, si tu ne me crois pas alors ouvre
les yeux mon bien-aimé seigneur et regarde-moi, je suis là, quelqu'un
pourra-t-il jamais effacer cet instant, mon corps que la soie ne
recouvre plus, tes mains qui le touchent, tes yeux qui le regardent,
dit-elle, et elle s'était penchée vers la lampe, la lumière éclairait les feuilles et passait à travers sa robe transparente,
tes
doigts dans mon sexe, ta langue sur mes lèvres, toi qui glisses sous
moi, et prends mes hanches, et me soulèves, et me laisses glisser sur
ton sexe, doucement, quelqu'un pourrait-il effacer cela, toi qui en moi
lentement bouges, tes mains sur mon visage, tes doigts dans ma bouche,
le plaisir dans tes yeux, ta voix, tu bouges lentement et cela me fait
presque mal, mon plaisir, ma voix,
il écoutait, il se tourna à un moment pour la regarder, la vit, voulut baisser les yeux mais ne le put,
mon
corps sur le tien, ton dos qui me soulève, tes bras qui ne me laissent
pas partir, les coups à l'intérieur de moi, la violence et la douceur,
je vois tes yeux chercher les miens, ils veulent savoir jusqu'où me
faire mal, jusqu'où tu veux, mon bien-aimé seigneur, il n'y a pas de
fin, cela ne peut finir, ne le vois-tu pas ? personne jamais ne pourra
effacer cet instant, pour toujours tu lanceras ta tête en arrière, en
criant, pour toujours je fermerai les yeux, laissant mes larmes se
détacher de mes cils, ma voix dans la tienne, ta violence à me tenir
serrée, il n'y a plus de temps pour fuir ni de force pour résister, cet
instant-là devait être, cet instant est, crois-moi, mon bien-aimé
seigneur, et cet instant sera, maintenant et à jamais, il sera, jusqu'à
la fin,
dit-elle, dans un filet de voix, puis elle s'arrêta.
Il
n'y avait pas d'autres signes, sur la feuille qu'elle tenait à la main
: la dernière. Mais quand elle la retourna pour la poser, elle vit au
verso quelques signes encore, soigneusement alignés, encre noire au
centre de la page blanche. Elle leva le regard sur Hervé Joncour. Ses
yeux la fixaient, et elle comprit que c'étaient des yeux magnifiques.
Elle regarda à nouveau la feuille. - Nous ne nous verrons plus, mon seigneur. Dit-elle.
- Ce
qui était pour nous, nous l'avons fait, et vous le savez. Croyez-moi:
nous l'avons fait pour toujours. Gardez votre vie à l'abri de moi. Et
n'hésitez pas un instant, si c'est utile à votre bonheur, à oublier
cette femme qui à présent vous dit, sans regret, adieu.
Elle continua quelques instants à regarder la feuille, puis la posa sur les autres, à côté d'elle.
Découvrez Susheela Raman!