Toutes amarres rompues vers le large...
Couché sur le divan au fond de la cabine
(Bercé comme une poupée aux bras d'une fillette folle
Par le tangage et le roulis - gros temps),
J'ai sur l'âme un cercle lumineux: le hublot,
Comme une vitrine de boutique où l'on vendrait la mer;
Et, à demi sommeillant, je rêve
De construire, dans une forme inusitée encore, un poème
A la gloire de la mer.
O Homère! O Virgile!
O Corpus Poeticum Boreale! C'est dans vos pages
Qu'il faut chercher les vérités éternelles
De la mer, et ces mythes qui expriment un aspect du temps
Et les féeries de la mer, et l'histoire des vagues,
Et le printemps marin, et l'automne marin,
et l'accalmie qui fait une roue plate et verte
Au char de Neptune et aux cortège des Néréides.
J'ai sur l'âme un cercle lumineux qui voyage
De haut en bas, tantôt empli du bleu-gris moucheté de blanc
Du paysage méditerranéen, avec un coin de ciel
Pâle, tantôt
C'est le ciel qui descend remplir le cercle, tantôt
Je plonge dans une lumière glauque et froide,
Tourbillonnante, et tantôt, d'un seul coup,
Le hublot aveuglé de bave bondit s'éblouir en plein ciel blanc.
(...)
Poème de Valéry Larbaud, Thalassa.